Il faut du temps, énormément de temps pour oublier une telle chose. Mais ça part pas, ça reste, ça se grave. A jamais, pour toujours. Faut être forte, et tant pis si tu ne survis pas. Elle avait failli ne pas survivre, elle avait déjà tenté cette solution, cette fuite facile. L'hôpital, les urgences, la réanimation. Elle connaissait tout ça. Elle n'en avait plus peur. Elle pouvait mourir simplement, sans faire d'adieux. Elle n'avait pas d'amis de toute façon, ils n'étaient de vrais amis, sinon, ils auraient vu, et Areku, lui, à qui elle était promise de force par son père, ne lui donnait plus de nouvelle.
Mais qu'est-ce que tout ça signifiait? Tout ça, c'était du vide. Du noir, un concentré de noir dans sa tête. Elle avait mal cette nuit-là, tellement mal. C'en était insupportable. Rien de vraiment cohérent, juste du vide, du noir.
De la solitude, une atroce solitude. Quand elle voyait ces gens s'aimer, sourire, rire, se prendre la main par amour ou amitié, cela déclenchait un elle un sentiment de jalousie affreux, un sentiment d'abandon extrême, qui la menait vers le désespoir. Elle n'avait jamais voulu s'ouvrir à une relation amoureuse, sauf une, et celle-ci s'était fini mal. Elle ne pouvait se rendre à l'évidence. C'était fini, "fini". Ah, qu'elle détestait ce mot! Un mot atroce qu'elle se répétait sans cesse. Quand elle marchait comme ça, toute seule, dans les jardins, à une heure pareille, comme lorsqu'elle retournait près du lac où Elle avait été noyée, assassinée, elle se rappelait de tout, dans les moindres détails... Leah savait qu'elle n'avait pas le droit d'être là à une telle heure, du moins, elle s'en doutait, mais elle s'en fichait maintenant. Ca n'avait plus d'importance. plus rien n'avait d'importance.
-Leah, qu'est-ce que tu fais?
-Je m'en vais te rejoindre, Harielle, murmura-t-elle.
Leah courut un peu plus loin dans le jardin, espérant ne tomber sur personne. Elle sentait sa douleur frapper sa poitrine, son cœur se déchirer. Elle en avait marre, marre de cette vie, enfermée dans cette bourgeoisie, marre de son père et de se faire battre, marre de ne pas pouvoir faire revenir la personne qu'elle avait aimée. Elle se mit à pleurer. Des larmes tièdes ruisselaient maintenant sur son visage.
-Ne fais pas ça, je t'en prie. Il reste d'autres choses.
-Non, tu ne comprends pas... Toi, tu es morte, tu me hantes. Qu'est-ce qui me reste vraiment? Dis moi?!
Leah s'agenouilla dans l'herbe. Elle ne voulait rien entendre, ni même l'hallucination de son ex-copine. Elle ne voulait de rien, pas d'aide, seulement mourir. Elle vivait de temps en temps ce genre d'excès de désespoir, chaque fois, elle risquait de faire ce qu'elle souhaitait durant ces moments. Les lendemains, elle reprenait ses esprits.
-Range ça, s'il te plait. Leah. Personne ne veut une telle chose.
-Cette fois, ne me raisonne pas, je t'en prie.