Que lui arrivait-il ? Cela faisait quelques jours déjà qu'elle n'assumait plus son titre. Abattue, désemparée. La jeune femme s'était elle-même mise à l'écart. Elle n'accueillait plus les nouveaux, ne se montrait que très peu en public, assistait à peine à ses cours. Il valait mieux au vue de son état de santé ces derniers temps... Cela devenait problématique. Elle s'était finalement rendue compte de sa fragilité et du danger que ça représentait alors. En tant que Reine, elle n'avait pas le droit à la moindre faiblesse. Alors pas question de montrer quoi que ce soit.

Aujourd'hui, la demoiselle n'était pas sortie de sa chambre. Elle s'était levée pourtant très tôt. Ou plutôt... N'avait pas dormi de la nuit pour être tout à fait franc. Cela faisait déjà trois semaines qu'elle avait retrouvé ses insomnies alors ça n'avait rien de très inhabituel si ce n'était que ça. Les cauchemars aussi étaient revenus... Des anciens... Des nouveaux... Un jolie mélange.

Immédiatement après s'être réveillée en sursaut, Emily s'était précipitée à la douche. La jeune femme n'en était ressortie qu'une heure plus tard, vêtue simplement d'une jupe et d'un tee-shirt noirs accompagné de son habituel bracelet en cuir. Épuisée et lasse, elle s'était écroulé sur sa chaise de bureau. Et n'avait alors plus bougé de ce siège.

Elle avait donc profité de sa matinée pour écrire, bosser un peu, fixer le vide, rattraper quelques cours... Mais surtout penser. Un peu trop d'ailleurs... Beaucoup trop. Toujours les mêmes pensées. Pas la moindre originalité. Pour peu qu'elle parvienne en garder le fil... Ce qui se révélait de plus en plus difficile pour elle. Allez savoir pourquoi ! Pourtant le fil était toujours le même.

Son père, sa mère, elle. Il lui semblait qu'il manquait un maillon à la chaîne. Comme si tout cela n'était pas logique. Au contraire... En fait rien n'était logique. Peut-être n'était-ce pas un accident ! Complot... Elle délirait. Non. Qui sait ? Il lui était juste impossible de réussir à se concentrer sur autre chose. Surtout seule dans sa chambre... Véritable bocal. Dans lequel elle tournait inlassablement en rond depuis ce matin.

Jusqu'à... Jusqu'à ce qu'elle décide d'un coup de se lever et de sortir, de bouger, de faire quelque chose car finalement la solitude la rendait encore plus dingue qu'elle ne l'était déjà. C'est à ce moment là qu'une voix la surprit. Sursaut. Elle demeura un moment immobile, comme prise sur le fait, coupable d'une abomination. Puis elle se tourna vivement vers la porte, origine de cette voix qui lui était étrangère.

Un jeune homme brun d'environ son âge se trouvait là, sur le pas de la porte. Il n'avait pas l'air bien intimidé ou apeuré. Bien qu'il se trouve à l'étage qui lui était interdit... Cette attitude plut à l'anglaise. Enfin quelqu'un qui ne se laissait pas prendre aux apparences ni à son titre. Néanmoins, il avait été d'une grande politesse. Plutôt étrange.

Un nouveau. Une alarme se lança dans son cerveau, automatiquement. C'était Le Roi qui l'envoyait. Il voulait la faire culpabiliser de ne plus les accueillir en lui montrant un pseudo résultat : la perdition de ces dits nouveaux ! Évidemment ! Et prendre ce gars innocent à des fins politiques, c'était... Attendez... Quel intérêt ? Shin n'était pas ainsi. On se calme et on n'essaye de paraitre normal. Emily se ressaisit et sourit à l'inconnu.

L'anglaise rit légèrement, de bon cœur. Reportant son attention sur lui, elle le détailla un instant et ne put s'empêcher de remarquer sa cicatrice en-dessous de l’œil. Bien évidemment, des questions l'assaillèrent mais elle sut se maitriser. pour le moment. Au-delà de cela... Il n'avait pas l'air bien méchant.

Mais... Pourquoi elle lui racontait tout ça ? Quelle idée de la part d'une Reine de se confier à un étranger ?! Si le Roi l'entendait, elle était bien sûr qu'il n'approuverait pas son attitude. D'ailleurs peut-être que si elle avait dans son état tout à fait normal, elle lui aurait simplement indiquer ce qu'il cherchait. Mais elle avait l'impression qu'elle pouvait lui faire confiance.

A ces mots, Emily attrapa son sweat Avenged Sevenfold qui commençait à être tellement user que le nom devenait illisible sur une chaise, elle l'enfila et rejoignit le jeune homme non sans sourire, adressé certes plutôt à elle-même. Elle allait enfin quitter cette chambre, ce huit clos infernal. Il était temps... Elle avait l'impression qu'elle allait faire encore une de ces crise si elle restait encore ne serait-ce qu'un instant.

Elle passa devant lui, prenant soin d'éteindre la lumière. Elle avait bien conscience qu'elle devait le bousculer mais elle voulait sortir. Sortir de cette chambre qui la rendait folle. Sortir de cette solitude qui la rongeait. Sortir tout simplement. La demoiselle releva son regard vers lui, attendant une réaction de sa part toujorus avec un sourire.

Le jeune homme la suivit, sans la moindre résistance. La demoiselle en fut enchantée, elle n'aurait pas eut dans le cas inverse la force de le convaincre, voire de l'entraîner, en le forçant à moitié. Elle se sentait totalement découragée, abattue. Alors elle le camouflait, reprenant de vieilles habitudes, avec un sourire qui se voulait enjouée, confiant et un rire facile.

Il se présenta alors à son tour et se montré plutôt enthousiaste quant à parcourir le chemin jusqu'aux dits dortoirs ensemble. Pourtant, quelque chose la perturbait encore... Ah oui. Le vouvoiement ! Elle lui avait donné son surnom spontanément, quand bien même ce n'était pas dans ses habitudes... Alors, que lui fallait-il pour lui faire comprendre qu'il pouvait la tutoyer en toute quiétude ? La trop grande politesse était souvent un signe soit de faiblesse soit d'hypocrisie.

La demoiselle eut un instant de retrait. Il n'avait l'air ni l'un, ni l'autre. Peut-être était-ce dû à son éducation. Sans doute même. Mais alors comment se faisait-il qu'il ne s'inquiète pas même du fait qu'il soit en des lieux interdits ? Parce qu'il y voyait une autre élève, c'était probable. Après tout, il ignorait encore tout des règles qui régissait le pensionnat. Mieux valait le mettre au courant rapidement.

La jeune femme eut un rictus moqueur. Pour une fois, qu'elle pouvait dire ce qu'elle pensait réellement de leu jeu monarchique, pas question qu'elle s'en prive ! Oh non, au contraire... C'était tellement délicieux de savoir qu'il ne savait qui elle était, ce qu'elle représentait, son titre... Qu'il la voit telle qu'elle était et non telle qu'elle devait être pour ces aristos présomptueux !

C'est pourquoi sa dernière question la blessa. Elle était franche, directe. Cela se voyait-il donc tant que cela ? Était-elle alors devenu comme eux ? Comme son père ? Quelques angoisses supplémentaires se nichèrent au creux de son ventre. Il y avait forcément une autre explication, d'autres raisons de penser cela... Le fait qu'elle soit là ? Ce n'était pas suffisant selon elle. Mais peu importait, elle n'allait pas se laisser déstabiliser pour si peu.

L'anglaise avait ajouté cela toujours en souriant. Ils étaient désormais en route et sa chambre s'éloignait d'elle de plus en plus lui rendant graduellement sa liberté perdue. En plus, il ne savait pour l'instant rien de qui elle était, ce qui lui permettait de dire absolument tout ce qu'elle voulait. Quel bonheur !

La jeune Reine guidait ainsi le nouveau au travers le labyrinthe de couloirs que représentait le pensionnat. Il leur avait d'abord fallu dévaler un grand nombre de volée de marches puis parcourir quelques couloirs. Ils venaient finalement de sortir des deux étages interdits aux élèves n’appartenant pas à la famille royale. Ils étaient donc au rez-de-chaussée, le lieu administrative par excellence. Un endroit dans lequel on ne peut pas franchement souhaiter rester à moins d'y être contraint...

Kenta sembla réfléchir à la question avant d'en tirer une conclusion judicieuse bien que fausse. Il avait oublié un détail crucial dans son raisonnement... S'y connaissait-il en politique ? Il n'en avait tout simplement pas l'air. Emily prit en charge de lui enseigner les bgrandes bases sans lesquelles il ne pourrait pas survivre longtemps dans cet établissement.

Voilà. Elle venait d'en dire déjà trop. La Reine s'était sans doute trahie. Elle hésita un moment. Lui dire dire ? Ou non ? Elle ne voulait pas qu'il la voit différemment comme ce troupeau de bourdes bien obéissant. Mais lui cacher était bien inutile puisqu'il finirait par le découvrir et donc se rendre compte de son mensonge. Le choix était difficile.

Un sentiment de honte émergea en elle. La honte d'avoir accepté ce titre et de le porter encore aujourd'hui. Les mêmes questions lui venaient alors : pourquoi avoir accepté ? Alors qu'elle était persuadée de ne pas en avoir les épaules... Mais Shin croyait en elle. Ce devait la première personne qui croyait en elle sincèrement. Une sorte de dépendance l'avait lié à lui depuis son arrivée. Comme si... Il pouvait la sauver. Ou au moins la comprendre.

Soudain pensive, la demoiselle détourna le regard un instant. Elle se força à se concentrer une fois de plus sur la situation présente. Elle se rendit alors compte qu'elle venait de prendre un avantage. En effet, il avait accepté de la tutoyer. Une véritable chance ! Il ne pouvait désormais plus reprendre le vouvoiement comme tout ceux qui l'approchaient ces derniers temps.

Se tournant vers lui, la jeune fille eut un sourire triste. Elle ne voulait pas être vue différemment que pour ce qu'elle était vraiment. Le jeune homme était-il du genre à se soumettre aux titres ? Difficile à dire. Elle regarda alors droit devant elle, efforçant son esprit de ne pas partir ailleurs.

Un dernier couloir et ils se retrouvaient enfin dehors, dans le parc. Et ils sortiraient enfin de cette ambiance qui l'étouffait depuis quelques temps. Et elle pourrait respirer pleinement, en toute quiétude. Elle jeta distraitement un regard derrière elle et eut alors l'impression pendant une poignée de seconde que les murs la poursuivaient en chuchotant. Précipitamment, elle s'en détourna et les voix se turent. un grand silence planait dans ses pensées.

Juste en face du duo se trouvait la porte vitrée qui les mènerait à l'extérieur. La jeune femme pouvait alors apercevoir un bout du parc. Des élèves allongés dans l'herbe, révisant ou discutant. Quelques jeux de cartes ou de ballons. Le temps semblait éclatant. Le soleil, étincelant. Un bonheur.