Ce fut par hasard que Ruka entra dans le hall. Il était en effet arrivé au pensionnat un peu plus tôt dans la journée et avait donc passé la plus grande partie de celle-ci à régler les dernières formalités administratives et à déballer ses affaires. Une fois ces tâches achevés, l’après-midi était déjà bien entamée. Afin de lui laisser le temps nécessaire pour s’installer et s’habituer aux lieux, on lui avait annoncé qu’il ne débuterait les cours que le lendemain. Ne connaissant personne et n’ayant rien à faire, il c’était donc trouvé très vite complètement désœuvré. Malgré le peu d’intérêt qu’il avait toujours porté à ses semblables, il avait soudain ressenti le besoin de parler à quelqu’un pour faire un peu passer le temps et, surtout, tromper son ennui grandissant. Ah, comme il pouvait détester l’ennui ! Il avait bien essayé de s’occuper. Il avait d’abord essayé de lire un livre mais l’avait refermé au bout de trois pages, puis d’écouter de la musique mais cela l’avait encore plus ennuyé que s’il n’avait rien fait, il avait commencé à visiter le bâtiment mais si l’activité c’était révélée vaguement divertissante au début, elle lui était très vite apparue comme fatigante…

Finalement, Ruka avait donc atterri un peu par hasard dans le hall à force de marcher sans réellement savoir où il allait. Il constata, quelque peu surpris, que de nombreux élèves s’y étaient rassemblés. Enfin, pas vraiment nombreux, mais bien plus qu’au moment où Ruka était arrivé où il n’y en avait alors…aucun. Quoiqu’en y réfléchissant cela n’était pas étonnant… Il était arrivé au beau milieu de la matinée alors que tout le monde était en cours, le fait de n’avoir croisé personne à ce moment là était donc loin d’être anormal…

Le jeune homme fit quelques pas dans le hall et balaya la pièce du regard. De nombreux groupes d’élèves discutaient bruyamment. Il en remarqua quelques uns en train de réviser. Que faire maintenant ? Il n’avait vraiment pas envie de retourner s’enfermer dans sa chambres mais d’un autre côté il n’avait strictement aucune raison de rester là. Il aurait pu aborder quelqu’un avec un sourire hypocrite histoire d’avoir une personne avec qui parlé mais il ne tenait pas à s’incruster dans un groupe déjà formé. Quand à ceux qui révisaient… Le brun se ferait sûrement rembarrer s’il leur parlait, concentrés comme ils avaient l’air…

Ruka remarqua finalement une fille en train de lire. Elle était plutôt mignonne avec sa peau blanche et ses cheveux noirs. Assise à l’écart, elle ne voulait sûrement pas se faire remarquer…Sauf que c’était justement le fait de se mettre à l’écart contrairement à tous les autres qui la rendait remarquable. Ruka s’approcha d’elle de sa démarche souple. Arrivé à son niveau, il s’accroupit pour être à sa hauteur.




C’était idiot comme question. Elle était en train de lire, bien sûre qu’il la dérangeait ! Seulement, Ruka était près à parié qu’elle n’oserait pas le lui dire franchement. Il lui avait fait son plus beau sourire. Celui qu’il faisait toujours lorsqu’il voulait faire bonne impression à quelqu’un… Patiemment, il attendit qu’elle baisse son livre et lui réponde…

La jeune fille avait finalement relevé les yeux de son bouquin pour le déposer à côté d’elle. Sa voix semblait un peu hésitante et son visage était devenu écarlate au fur et à mesure qu’elle parlait. Ruka ne savait pas s’il devait se sentir gêné ou amusé par la réaction de la jeune fille. D’ordinaire, les gens timides le mettaient plutôt mal à l’aise par leur manque de conversation et leurs rougissements intempestif mais là... Sur une fille à l’aspect aussi fragile, cela la rendait plutôt mignonne.

Mais d’un autre côté, il été un peu déçu. Cela signifiait que sa présence dérangeait vraiment la jeune fille ? Tant pis, il s’ennuyait, il n’avait donc pas l’intention de la lâché tout de suite. Et puis, n’avait elle pas dit qu’elle venait d’arriver également et que, comme lui, elle ne connaissait personne ? Cela leur faisait déjà quelques points communs.

Il observa Kahoru remettre sa jupe en place et croisé ses mains. Elle avait vraiment l’air très stressée. La présence de Ruka l’intimidait-elle donc à ce point ? Il ne lui voulait vraiment pas de mal pourtant… Sans doute ne restait il qu’à le lui faire comprendre, à la mettre en confiance… Le jeune homme hésita un instant à lui demandé comment elle avait atterri là… D’après ce qu’il avait compris, il n’y avait, ici, que des élèves en retard scolaire. Kahoru ne lui semblait pas être le genre de fille à négliger ses cours… Ou peut être n’étais-ce qu’un préjugé du au fait qu’il l’avait trouvé en train de lire un livre à l’écart, qui sait ? Bref, il était plutôt curieux de connaître la raison de sa présence en ces murs. Toutefois, le jeune homme décida qu’il ne poserait pas cette question. Premièrement, il doutait franchement qu’une question aussi indiscrète mette la jeune fille à l’aise et, deuxièmement, même si elle lui répondait sans rougir et sans gêne le fameux « et toi ? » finirait par tombé… Et lui, il voulait éviter le plus possible le sujet. Compréhensible, non ? Comment répondre à une question pareil sans perdre la face ? Avouer qu’il était un drogué qui revenait de désintox’ ou mentir ? Dans les deux cas, il se sentirait mal. Donc mieux valait éviter le sujet. A la place, il décida de poser une question plus banale.


Il s’interrompit soudain. Dans sa poche, son portable venait de vibrer. Il s’interrogea un instant sur l’identité de l’émetteur de l’appel. Il avait beaucoup de numéro dans son répertoire téléphonique, mais aucun réel ami qui irait jusqu’à lui téléphoner… Juste de vagues connaissances rencontré lors de soirées, des camarades de beuveries ou des coups d’un soir qui lui avait plu… Personne de vraiment fiable en somme. Alors qui ? Coupant cours au suspense, il sortit son portable de sa poche et en examina l’écran avant de répondre.

…

Sa génitrice… Tss… Qu’est-ce qu’elle voulait encore ? Jouer les mères modèles et appeler son fils pour s’assurer qu’il était arrivé sans encombre ? Le sourire qu’il avait gardé jusque là s’effaça brutalement laissant place à une expression de surprise mêlé de colère. Elle ne c’était jamais intéressé à lui, si elle comptait le faire maintenant, il était bien trop tard. Alors, pour toute les fois où, plus jeune, il avait désespérément tenté de la joindre afin d’entendre le son de sa voix et où un employé lui avait froidement répondu que « Madame était en rendez-vous », il décida qu’il ne décrocherait pas. Il n’avait pas envie de lui parler. Pas envie de faire hypocritement semblant d’être une famille unie. Non, là il discutait avec la petite Kahoru et c’était bien plus passionnant. Il ne comptais pas se laisser déranger par cette femme. La vieille patienterait ! Il rangea son portable dans sa poche et le laissa vibrer comme si de rien n’était.

" Excuse moi, c’était ma mère ! Bref, qu’est-ce que je disais ? Ah oui ! Dans quelle classe es-tu, Kahoru ?"

Il reprit son sourire et la conversation comme si de rien n’était.

Kahoru lui avait sourit et, comme si de rien n’était, avait répondu à sa question sans s’en poser davantage. Ruka s’en sentit soulagé et son sourire se fit plus sincère. Il y avait longtemps que le jeune homme était passé maître dans l’art des sourires factices. Sourire hypocritement pour que les gens l’apprécie, pour se faire bien voir, c’était des choses auxquelles il était habitué. Finalement, lorsqu’il s’adressait à quelqu’un désormais, ses sourires avaient pour seul but de mettre la personne à qui il parlait de son côté. Et là, comme ça, devant cette fille qu’il connaissait à peine, il se surprenait à sourire pour de vrai. Et ce n’était pas désagréable. Pas plus que la sensation de la main de Kahoru posé sur son genou, comme un soutien. Qui aurait cru qu’une fille aussi timide et fragile d’apparence puisse avoir un effet pareil sur lui ? Au début, c’était Ruka qui avait souhaité la mettre en confiance. Et l’effet inverse s’était produit. Quoique… Cette main posé sur son genou, se sourire et se regard franc qu’elle lui adressait… Cela signifiait-il qu’il avait réussi, lui aussi ? Et le fait qu’ils se sentent tout les deux en confiance l’un avec l’autre signifiait-il qu’ils étaient en train de devenir…amis ? Cette idée troublait Ruka plus qu’il ne voulait se l’avouer. Car plus il y pensait, plus il se rendait compte qu’il n’avait jamais eu d’amis. C’était bête à dire mais les gens qu’il côtoyait autrefois ne pouvait en aucun cas être qualifié « d’amis ». Des connaissances, des camarades, des potes tout au plus. Mais pas des amis. Et là, cette fille qu’il ne connaissait absolument pas, qu’il était allé voir juste pour passé le temps, à qui il commençait à faire confiance peu à peu… Oui, il était troublé. Mais il n’en montra rien.

Il sortit brusquement de ses pensées lorsque la main quitta son genou. Il fixa Kahoru avec curiosité. Son brusque accès de confiance en elle semblait avoir disparue pour laissé place à la Kahoru qu’il avait rencontré quelques minutes plus tôt, timide et rougissante. D’ailleurs elle recommença à rougir et baissa aussitôt le visage lorsque son regard croisa celui de Ruka. Il ne put s’empêcher de se demandé si tout les garçons la faisait autant rougir ou si c’était juste lui qui lui faisait autant d’effets. Sans s’en vanter – ou alors rien qu’un peu - Ruka se savait plutôt mignon… Finalement, coupant court à ses pensées, il se décida enfin à répondre.

« Malheureusement non, moi je suis en seconde année. C’est vraiment dommage… »

Et il était sincère. Il commençait à apprécier Kahoru. Elle était plutôt mignonne, et sympathique avec ça. C’était suffisant pour apprécier quelqu’un. Après, il n’irait pas jusqu’à dire que la jeune fille avait gagné son amitié. Pas en si peu de temps. Mais après délibération, il décida de la promouvoir mentalement au rang d’« amie potentielle ». Il jeta un regard circulaire autour de lui qui tomba sur le bouquin que la jeune fille avait posé quelques minutes plus tôt. Il se pencha légèrement pour déchiffrer le titre. « Hana yori dango » ? Il ne connaissait pas. Il lui arrivait certes de lire mais seulement lorsqu’il n’avait rien d’autre à faire. Ses connaissances littéraires étaient donc plutôt limitées.

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Kahoru regardait autour d’elle, l’air perdue, si bien que Ruka se demanda s’il avait vraiment réussi à la mettre en confiance ou si cette impression qu’il avait eu, quelques secondes plus tôt, d’y être parvenu n’avait été qu’une illusion. Pourtant, il y avait quelques secondes, elle le regardait dans les yeux, intensément. Ruka lui adressa un nouveau sourire. Il voulait qu’elle sache qu’il était de son côté.

Une fois ces paroles prononcées, la jeune fille tendit le livre vers lui. Amusé, Ruka le lui prit délicatement des mains. Il frôla de ses doigts ceux, blancs et fins, de Kahoru et s’empara du bouquin.

Les livres n’étaient pas vraiment sa passion. Certes, il lui arrivait de lire, mais cela restait rare. Pourtant, lorsque un livre lui plaisait vraiment, peu importe sa taille, il le lisait d’une traite. « Hana Yori Dango »… Le titre lui disait vaguement quelque chose… Sans doute l’avait-il déjà vu dans une librairie, une bibliothèque ou il ne savait quel autre lieu… En tout cas, il n’aurait jamais pensé que Kahoru puisse lire des romans d’amours. Ruka s’attendait à tout, à du policier, de la fantasy, de la science-fiction… Mais pas à de la romance assurément.

Il contempla le livre un instant, ne sachant pas trop quoi en faire. Il l’avait saisit plutôt par reflexe. On lui avait tendu quelque chose, il l’avait pris. Mais à présent, il ne savait plus trop quoi en faire. Il observa Kahoru, puis reporta de nouveau son regard sur le livre. Il l’ouvrit et le feuilleta.

Ruka se mit à tourner quelques pages, pensif. Tout à coup, une légère douleur ce fit sentir au niveau de son index droit. Etonné, il plaça sa main à la hauteur de ses yeux et examina le sang qui commençait à perler.


Il s’était sans doute couper le doigts sur une page… Sa maladresse le surpris autant qu’elle l’agaça. Se coupant en feuilletant un livre était, de son point de vue, l’une des manières de se blesser les plus idiotes possibles. Si on pouvait appeler cela se blesser bien entendu ! Il n’avait même pas eu mal ! C’était encore moins qu’une égratignure. Il décida de n’y prêter aucune attention mais referma néanmoins le livre afin de ne pas le tâcher. Il finit par le rendre à Kahoru avec un petit sourire gêné.


Non, la lecture n’était pas sa tasse de thé. Il se passait toujours trop de choses dans les romans, trop de bouleversements et de rebondissements, trop d’actions et de personnages hauts en couleurs, . Lorsqu’il les refermait la réalité lui semblait toujours insipide à côté. Froide et dénué de couleurs. C’était comme cela qu’il la percevait. Désespérément ennuyeuse. Et ça, ça avait le don de le déprimer.

- Bonjour Line. Dîtes-moi, les nouveaux sont-il déjà passés vous voir ?

Son interlocutrice afficha un sourire narquois, comme si elle venait de lui arracher une victoire. Et quoi ? C'était à celui qui trouverait les nouveaux en premier ? Emily eut un soupir en songeant à de tels puérilités mais ne dit rien.

- En effet.

- Bien. Auriez-vous une idée d'où peuvent-ils bien être à l'heure qu'il est ?

- Salut ! C'est vous les nouveaux ?

« Oh tu es maladroit. »

Le jeune homme s’apprêta à répliquer quelque chose mais le geste de Kahoru l’en empêcha. Il demeura un instant surpris, presque choqué de voir la petite Kahoru, qu’il pensait si timide, prendre une telle initiative. Il décida toutefois de la laisser faire, laissant les lèvres blanches et fines de la jeune fille se poser sur sa plaie. Pourquoi faisait-elle ça ? Cherchait-elle quelque chose ? A le draguer, peut être. Il scruta la jeune fille, essayant de déceler quelque chose dans son expression, n’importe quoi pouvant expliquer son geste. Il ne vit que l’innocence de son regard et l’attention qu’elle portait à sa tâche.

C’était idiot, mais ce geste le toucha. Lorsque la jeune fille, encore plus rouge que précédemment, si c’était possible, lui rendit son doigt, il lui adressa un sourire sincère. S’apprêtant à la remercier, il fut interrompu par un bruit de pas marchant dans leur direction. Il releva vivement la tête. Une jeune fille se tenait devant eux. Ruka ne put s’empêcher de remarquer son étrange accoutrement. Une punk ?

« Salut ! C'est vous les nouveaux ? »

Elle était manifestement plus âgée qu’eux. Ruka demeura silencieux quelques instant. C’était effectivement eux les nouveaux mais… Qu’est-ce que cela pouvait lui faire ? Leur arrivée avait fait tant de bruit que ça ? Ou alors c’était une tradition pour les anciens d’accueillirent les nouveaux ? Il observa un instant Kahoru, qui était silencieuse elle aussi. Kahoru dont il n’était plus le centre de l’attention. Sans qu’il en comprenne réellement la cause, l’arrivée impromptue de la punk l’irrita. Une envie quasi-irrésistible de l’envoyer sur les roses germa en lui. Il réussit malgré tout à contrer cette envie et lui adressa son plus beau sourire d’hypocrite. Tant qu’il ne savait pas réellement à qui il avait affaire, il mieux valait user de diplomatie. Il faillit un instant se lever par politesse envers la nouvelle venue mais renonça finalement. Il était très bien assis par terre, mieux que debout en tout cas. C’était cette fille qui était venue le déranger, ce n’était pas à lui de se lever.

« Oui, c'est ça. Nous venons d'arriver... Je m'appelle Kahoru. Kahoru Shigesuke. »

Il jeta un œil à Kahoru, surpris. Il se serait plutôt attendu à ce qu’elle le laisse parler à sa place. Pas que cela lui pose le moindre problème, mais il fut étonné de la voir prendre l’initiative. Il fini tout de même par ajouter.

« Et moi c’est Ruka Itoshiki… »

Il s’apprêta à engager la discussion. Lui demander son nom, à elle, pourquoi était-elle venue vers eux… Il n’en eut pourtant pas le loisir. Décidemment, c’était à croire que le monde entier cherchait à l’empêcher de parler.

« H-hum... C'est pour l'inscription ..? »

Ruka remarqua l’hésitation dans la voix de la jeune fille. Ainsi donc, malgré les initiatives qu’elle essayait de prendre, elle n’arrivait pas à combattre sa timidité. Sous le regard interloqué de Ruka, elle se mit soudain à secouer la tête de droite à gauche de manière frénétique. Qu’est-ce qui lui prenait ? Le jeune homme ne put s’empêcher de penser que Kahoru avait l’air d’une folle à secouer la tête ainsi. Il lui lança un regard quelque peu inquiet.

« Est-ce que ça va, Kahoru ? »

Ruka hésita un instant à poser une main amicale sur son épaule. Il ne le fit pas. Il ne se connaissait pas assez pour que le jeune homme ait un comportement aussi familier. Il se fit la réflexion que celui de la jeune fille était peut-être du à sa timidité… Il n’en demeurait pas moins incompréhensible.

Il jeta un regard à la punk dont il ne connaissait toujours pas le nom. Elle devait les trouver étranges… Enfin, surtout Kahoru. Lui, il n’avait rien fait pour cela. Il décida d’essayer de sauver la situation. Il adressa un nouveau sourire, un peu gêné et, sans doute un peu hypocrite aussi, à la punk.

« C’est rien, Kahoru est juste un peu timide, je crois.»