La porte s'ouvrit. C'était tout ce à quoi elle avait fait réellement attention. Et le vent encore frais en cette saison s'engouffra dans la brèche. Balayant son visage, faisant valser ses cheveux. La sensation était indescriptible. C'était juste... Une délivrance. Véritablement. L'angoisse retomba d'un cran. Son esprit se calmait peu à peu, à mesure qu'elle respirait. Puis, Emily rattrapa le jeune homme à l'extérieur, un sourire aux lèvres, espérant néanmoins qu'il n'ait pas noté quoi que ce soit.

La demoiselle se remit alors en mémoire le fil de la conversation. Pas l'air d'une Reine ? Pas de quoi s'offenser. Au contraire. La croire Reine par contre aurait été extrêmement blessant. Mais ce n'était justement pas le cas... Ainsi elle était "trop triste" ? Effectivement, elle ne devait pas avoir l'air très claire. Et même pas vraiment "normale". Elle ragea à cette pensée mais ne releva pas, craignant d'aborder un sujet délicat dont elle ne pourrait se tirer sans trop en dire.

C'est alors qu'un détail lui revint : le soudain intérêt du jeune homme. Il voulait en savoir davantage. Y avait-il un intérêt réel derrière ou juste de la curiosité mal placé ? Etait-il aussi avide de pouvoir que tant d'autres ? Ou bien était-il amusé du fonctionnement pour le moins étrange du pensionnat...? Comment savoir ? La suite en dira long. Mieux valait rester méfiante pour le moment. Après tout, elle venait de lui dire qu'elle était Reine, ce n'était pas négligeable...

Gênée, la jeune femme détourna le regard et observa les alentours. C'est alors qu'elle remarqua le silence qui s'était imposé subitement. Les conversations s'était suspendus, d'un commun accord. Les élèves, dispersés dans l'herbe, avaient leurs yeux rivés sur elle. Sur eux ? Ils ne pouvaient deviner qu’ils sortaient tout deux de l’étage qui lui était interdit en temps normal mais… Ce bâtiment n’avait rien d’innocent. Peu d’alternatives étaient possibles : soit il y avait un problème quelconques et ils provenaient de l’administration, soit effectivement ils venaient de cet étage et la Reine l’y avait donc autorisé… Voire invité.

Les rumeurs n’allaient sans doute pas tarder. Quelques regards s’échangeaient, suspicieux ou amusés. La Reine se sentait totalement impuissante, désemparée. Certains commencèrent à se lever. Quelques groupes s’approchaient d’eux. En danger. Emily se sentait prise au piège. Cernée de toute part… Le sentiment d’oppression revint immédiatement. L’angoisse aussi. Ses mains se mirent à s’agiter, fébrilement, sans que son cerveau ne leur ait demandé quoi que ce soit.

Quand Kenta se pencha vers elle pour lui chuchoter quelques mots, elle ne put s’empêcher de sursauter, tellement elle était à cran. Par ailleurs, sa proposition lui apparut comme pour le moins… Surprenante. La demoiselle releva les yeux vers lui. Cela lui semblait une telle évidence pour lui qu’elle en fut désorientée. Elle se sentait toute petite tout à coup. Et terriblement perdue. Une vraie gamine. Sauf que… Y avait tout ces gens qui les épiaient.

Qu’allait-on penser si elle se mettait à courir ? Qu’allait-on penser si elle s’enfuyait avec un nouveau ? Qu’allait-on penser d’elle … ? Elle n’aurait plus qu’à se traîner des ragots pour encore pas mal de jours, voire semaines. Qui plus est, la plupart seraient tellement déformés qu’ils inventeraient n’importe quoi tant qu’ils pouvaient y voir une quelconque histoire croustillante. Et naturellement, cela nuirait aussi grandement à l’image de son interlocuteur.
Mais en même temps… Elle se souvint de ce moment fugace ou le vent l’avait enveloppé. La sensation de liberté lorsque l’on court… Le vent contre la peau. Quoi de plus apaisant ? Et puis il était de son droit de courir. Et personne ne pouvait lui retirer cela. N’importe qui pouvait bien le faire. Elle était n’importe qui ! On ne pouvait rien lui dire et ils n’avaient pas le droit de lui dicter sa conduite.

Néanmoins… Emily ne parvenait pas à prendre une décision. Bloquée, son esprit se déchira sous plusieurs voix. Et leurs hurlements ne furent pas longs à venir s’inviter.

Il devenait urgent de retrouver pieds. La respiration saccadée, la jeune punk se maintenait tant bien que mal debout et à peu près droite. Sans grande conscience du temps ou de tout ce qui l’entourait, le jugement faisait rage en elle.

Et pendant que l’assemblé devenait discorde et désaccord, aucune décision n’était rendue. Et la gamine demeurait, seule et perdue. L’instinct prit probablement le dessus. Ce fut sans doute uniquement lui qui lui commanda de s’emparer de la main du jeune homme et de s’enfuir à toute allure, en prenant soin de rester concentrer sur l’horizon.